Peut-on donner à bail, dans une copropriété destinée à l’habitation, des locaux pour de courtes durées ?

La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a récemment jugé :

« Dans un immeuble à usage principal d’habitation avec possibilité d’usage mixte professionnel et habitation à l’exclusion de toute activité commerciale, est contraire à la destination de l’immeuble l’installation d’occupants pour de très courtes périodes et même de longs séjours dans des studios hôtels meublés avec prestations de services » (Cass. Civ. 3e, 8 mars 2018, n°14-15864).

 

Cet arrêt marque une évolution notable de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 8 juin 2011, a jugé licite la location meublée dans un immeuble à usage d’habitation autorisant les baux professionnels, au motif que leur exploitation, précisément, générait des nuisances comparables à celles engendrées par les locations meublées de courte durée.

 

Or, dans l’affaire qui nous intéresse, le règlement de copropriété contenait, notamment, différentes clauses usuelles :

– interdisant les activités commerciales dans l’immeuble ;

  • autorisant la location en meublée mais uniquement pour des appartements entiers, alors qu’en l’espèce, un copropriétaire avait divisé ses lots pour créer des studios avec prestation de service;
  • imposant aux bailleurs d’informer le syndic pour toute nouvelle location.

 

Les Juges du fond, pour interdire la location meublée des studios, n’ont pas visé la première de ces clauses, prohibant rappelons-le, les activités commerciales, dont relevaient manifestement les locations de courte durée concernée, assorties de prestations de services.

 

Ils n’ont pas visé, non-plus, la clause interdisant la division des appartements en vue d’une location séparée, qui paraissait également s’appliquer.

 

Ils se sont fondés sur les caractéristiques de l’immeuble et, plus précisément, sur la destination découlant du « caractère résidentiel », qu’ils ont jugé incompatible avec « la rotation des périodes d’occupation ».

 

Cette sévérité tranche donc avec la position antérieure de la Cour suprême et des tribunaux, plus libérale.

De plus, au-delà de la location meublée avec prestations hôtelières où para hôtelières, visée par l’arrêt du 8 mars 2018, se pose la question de la licéité des locations de courte durée de type AirBnB, critiquées pour les nuisances qu’elles génèrent.

Au vu de leur accroissement, le législateur s’en est saisi.

En effet, ce type de location séduit de plus en plus de bailleurs, surtout dans les régions touristiques.

Il se pratique au détriment des locations traditionnelles soumises à la Loi du 6 juillet 1989 et, pour certains, il est de nature à aggraver la crise du logement.

C’est la raison pour laquelle, la Loi n°2014-366 du 24 mars 2014 dite Loi ALUR a modifié l’article l’article L631-7 du Code de la Construction, applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à certains départements (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) qui dispose désormais en son dernier alinéa :

« Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ».

L’administration accordant avec parcimonie l’autorisation de changement d’usage, grande est la tentation, pour les propriétaires, de s’en dispenser.

Or, la violation de cette obligation est sévèrement sanctionnée par l’article L 651-2 du même code, qui prévoit une amende civile, pour les contrevenants, d’un montant maximal de 50 000 €…

La 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a, dans un arrêt en date du 12 juillet 2018, confirmé un arrêt de la Cour de Paris, condamnant un propriétaire au paiement d’une amende de 20 000 €, au motif qu’il n’avait pas demandé, ni obtenu d’autorisation afin de louer son bien pour de courtes durées (Cass. Civ. 3e 12 juillet 2018, n°17-20654).

Cet arrêt a été publié au bulletin, ce qui témoigne de l’importance qui lui est accordé.

En bref, il est à craindre l’évolution législative sur la question des locations de courte durée et sa stricte interprétation par les tribunaux n’incite de nombreux bailleurs à se détourner de ce type de locations.

Pour aller plus loin, v. L. Guegan – Gelinet «  la location meublée de courte durée est contraire à la destination de l’immeuble à usage d’habitation », RL 2018, n 988, p.318 ; J.-R. Bouyeure note sous Cass. Civ. 3ème 8 mars 2018, Administrer 2018 n 520, p.41 ; C. Coutant-Lapalus « Division en vue de locations touristiques et destination de l’immeuble », Loy. et Copr. 2018, Comm. 101 ; B. Vial-Pedroletti « Locations et changement d’affectation des locaux : amende à l’encontre du propriétaire », Loy. et Copr. 2018, Comm. 197) ; S. Benilsi « appréciation de la validité de la clause d’un règlement interdisant la location meublée d’une partie d’un logement », RL 2018, n°987, p.373).

 

 

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